Dans un monde en constante évolution géopolitique, les Émirats Arabes Unis (EAU) émergent comme un acteur majeur sur le continent africain. Avec un engagement financier colossal de 60 milliards de dollars, cette nation du Golfe est en train de redéfinir les contours économiques, politiques et stratégiques de l’Afrique. Cette offensive diplomatique et économique, sans précédent par son ampleur et sa rapidité, soulève de nombreuses questions sur les motivations des EAU et les implications à long terme pour le continent africain.
Une stratégie d’investissement tous azimuts
Les investissements émiratis en Afrique couvrent un large éventail de secteurs, allant des infrastructures à l’agriculture, en passant par les technologies et l’énergie. En 2023, les EAU sont devenus le troisième plus grand investisseur en Afrique, derrière la Chine et les États-Unis. Les projets phares incluent :
- Un investissement de 10 milliards de dollars dans le port de Berbera en Somaliland, transformant cette enclave en un hub commercial majeur pour la Corne de l’Afrique.
- Le développement d’un complexe agro-industriel de 4,5 milliards de dollars en Égypte, visant à renforcer la sécurité alimentaire régionale.
- Un projet de smart city de 6 milliards de dollars au Kenya, symbole de l’ambition technologique des EAU pour l’Afrique.
Voici une vidéo relatant ces faits :
Ces investissements massifs sont facilités par des fonds souverains comme Abu Dhabi Investment Authority et Mubadala, ainsi que par des entreprises semi-publiques comme DP World.
Les motivations derrière l’offensive émiratie
La stratégie des EAU en Afrique répond à plusieurs objectifs :
Diversification économique : Face à la nécessité de réduire leur dépendance aux hydrocarbures, les EAU voient en l’Afrique un terrain fertile pour diversifier leurs investissements. Le continent, avec sa population jeune et en croissance rapide, offre des opportunités de croissance à long terme dans des secteurs variés.
Sécurité alimentaire : Les EAU, dépendants des importations pour 90% de leur alimentation, investissent massivement dans l’agriculture africaine pour sécuriser leur approvisionnement alimentaire. Des projets comme celui en Égypte visent à transformer des régions entières en greniers pour le Moyen-Orient.
Influence géopolitique : Les investissements servent également de levier diplomatique, permettant aux EAU de s’imposer comme un acteur incontournable sur la scène africaine. Cette influence est particulièrement visible dans la Corne de l’Afrique, où les EAU ont joué un rôle clé dans la normalisation des relations entre l’Éthiopie et l’Érythrée en 2018.
Contrepoids à l’influence d’autres puissances : L’offensive émiratie peut être vue comme une réponse à l’influence croissante d’autres acteurs en Afrique, notamment la Turquie et le Qatar, avec lesquels les EAU entretiennent des relations tendues.
Les implications pour l’Afrique
L’engagement massif des EAU en Afrique suscite des réactions mitigées :
Opportunités de développement : Les investissements émiratis apportent des capitaux cruciaux pour le développement d’infrastructures et la création d’emplois. Par exemple, le projet portuaire en Somaliland devrait créer plus de 100 000 emplois directs et indirects.
Transfert de technologie : Les EAU favorisent le transfert de technologies avancées, notamment dans les domaines de l’énergie solaire et des smart cities, contribuant à la modernisation de plusieurs pays africains.
Préoccupations de dépendance : Certains observateurs s’inquiètent d’une potentielle dépendance économique et politique envers les EAU. L’ampleur des investissements pourrait donner aux Émirats un levier d’influence disproportionné sur les politiques nationales.
Impact environnemental : Certains projets, notamment dans l’agro-industrie, soulèvent des questions sur leur durabilité environnementale et leur impact sur les communautés locales.
Les défis à surmonter
Malgré l’ampleur de leur engagement, les EAU font face à plusieurs défis dans leur conquête de l’Afrique :
Instabilité politique : Certains pays ciblés par les investissements émiratis sont confrontés à une instabilité politique chronique, menaçant la viabilité à long terme des projets.
Concurrence internationale : Les EAU doivent naviguer dans un environnement compétitif, où d’autres puissances comme la Chine, l’Inde et la Turquie cherchent également à étendre leur influence.
Perception locale : Dans certains pays, les investissements émiratis sont perçus avec méfiance, alimentant des craintes de néocolonialisme économique.
Adaptation culturelle : Les EAU doivent s’adapter à la diversité culturelle et linguistique de l’Afrique, un défi pour une nation relativement jeune sur la scène internationale.
Vers un nouveau paradigme de coopération ?
L’engagement des EAU en Afrique pourrait redéfinir les modèles de coopération Sud-Sud. Contrairement à l’approche chinoise souvent critiquée pour sa dette-diplomatie, les EAU semblent privilégier des partenariats plus équilibrés, mettant l’accent sur le transfert de compétences et la création de valeur locale.
En 2023, les EAU ont lancé l’initiative « Bridges of Prosperity », un programme visant à former 100 000 jeunes entrepreneurs africains d’ici 2030. Ce type d’initiative pourrait servir de modèle pour une coopération plus inclusive et durable.
Un tournant dans les relations afro-arabes
L’offensive des 60 milliards de dollars des EAU en Afrique marque un tournant dans les relations afro-arabes et plus largement dans la géopolitique mondiale. Elle illustre l’émergence de nouvelles puissances moyennes capables de jouer un rôle significatif sur la scène internationale.
Pour l’Afrique, cette dynamique offre à la fois des opportunités et des défis. Le continent doit naviguer habilement entre les différents partenaires internationaux, en veillant à ce que ces investissements servent véritablement ses intérêts à long terme et contribuent à un développement durable et inclusif.
L’avenir dira si cette nouvelle « route de la soie » émiratie en Afrique sera le catalyseur d’une transformation positive du continent ou si elle engendrera de nouvelles formes de dépendance économique. Une chose est sûre : le paysage géopolitique et économique de l’Afrique est en pleine mutation, et les EAU y jouent désormais un rôle de premier plan.