Du 20 au 22 août 2025, Yokohama accueillera la neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 9). Un événement qui pourrait bien redéfinir l’échiquier des partenariats économiques entre l’Asie et l’Afrique, au détriment de l’influence européenne traditionnelle.
Le réveil de l’Empire du Soleil Levant
« Pour la TICAD 9, l’action de la JICA portera sur la co-création de solutions innovantes avec l’Afrique », annonce Kei Yoshizawa, conseiller principal au département Afrique de l’Agence japonaise de coopération internationale. Cette approche tranche radicalement avec les modèles de coopération européens traditionnels.
En tant que spécialiste des relations économiques Europe-Afrique depuis 25 ans, j’observe un tournant géopolitique majeur. Le Japon réinvente la coopération quand l’Europe s’enlise parfois dans des schémas d’assistanat dépassés.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la Japan External Trade Organization (JETRO) organisera le « TICAD Business Expo & Conference » avec la participation record de 196 entreprises et organisations japonaises (dont 107 petites et moyennes entreprises), ce qui en fait l’événement lié à l’Afrique le plus vaste jamais organisé par la JETRO.
Les trois coups de génie japonais
1. Le programme « TOMONI Africa » Cette action repose sur trois approches relatives à la co-création avec la jeunesse, à travers un programme mutuel de développement des ressources humaines « TOMONI Africa » (signifie se faire des amis). Une approche culturelle qui va bien au-delà des simples transferts de fonds.
2. L’innovation comme levier L’espace consacré à la culture pop mettra en lumière le potentiel de développement commercial à partir de contenus issus du Japon. Quant à la partie innovation, elle exposera des idées et technologies innovantes susceptibles de façonner l’avenir du Japon et de l’Afrique.
3. La co-création Africa-Asie Le renforcement de la coopération internationale, en lien avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine, pour encourager une co-création active entre l’Afrique et l’Asie ouvre des perspectives que l’Europe n’avait pas anticipées.
Pourquoi l’Europe rate le coche
Depuis sa création en 1993, la TICAD est un forum clé pour la collaboration entre le Japon et l’Afrique, axée sur le développement durable et la coopération économique. Pendant ces 32 années, l’Europe a maintenu ses approches traditionnelles sans véritablement innover.
Le Japon mise sur les investissements japonais en Afrique dans des secteurs tels que les infrastructures, l’énergie, l’agriculture et les technologies numériques, avec une logique de partenariat à long terme que l’observation du terrain africain permet d’apprécier à sa juste valeur.
Comment l’Europe peut encore réagir
Transformer l’approche relationnelle L’Europe doit passer d’une logique de « donneurs de leçons » à celle de « co-créateurs de solutions ». L’expérience montre que les partenaires africains privilégient ceux qui les considèrent comme des égaux.
Miser sur l’économie de la connaissance La formation de la prochaine génération à travers la circulation des talents dans l’enseignement supérieur entre l’Afrique et le Japon est une stratégie gagnante que l’Europe pourrait amplifier grâce à son système universitaire d’excellence.
Accélérer la transformation digitale La transformation digitale et verte (DX/GX), incluant l’intelligence artificielle et les technologies spatiales représente un domaine où les entreprises européennes ont encore une carte à jouer.
L’urgence européenne
L’Europe dispose de trois mois pour repenser sa stratégie avant que le Japon ne consolide définitivement son avantage. Les 26 projets phares du Global Gateway destinés à l’Afrique en 2025 constituent une base solide, mais l’approche doit évoluer vers plus de co-création et moins d’unilatéralisme.
L’Afrique ne cherche plus seulement des financements, mais des partenaires technologiques et des facilitateurs de croissance. Le Japon l’a compris. L’Europe doit s’adapter ou accepter de perdre son influence historique sur le continent le plus prometteur de la planète.